directionDJCE@univ-rennes1.fr +33(0)2 23 24 64 91

« Tax the rich » au MET Gala et la nouvelle politique fiscale de l’administration Biden

Lors de l’édition 2021 du MET Gala – l’une des plus grandes soirées mondaines new-yorkaises – la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a fait sensation en portant une robe ornée d’un message politique, inscrit en rouge sang : « Tax the Rich » (Taxez les riches). La réforme fiscale est au cœur des préoccupations de cette rentrée aux Etats-Unis, le Président Biden ayant annoncé un grand plan de relance baptisé « Build Back Better », « reconstruire en mieux ». Le coût de ce plan : 3500 milliards de dollars. Pour le financer, l’Administration Biden rompt avec les politiques fiscales pratiquées en Europe, marquées par une baisse de l’impôt sur les sociétés. Retour sur les grands traits de la « Bidenomics » en matière fiscale…

« Trickle-down economics has never worked » (« la théorie du ruissellement n’a jamais fonctionné »), affirmait Joe Biden lors de sa première allocution au Congrès le 28 avril dernier, à la veille de ses 100 jours à la Maison Blanche. Pour le Président américain, les diminutions d’impôts sur les ménages les plus aisés et sur les revenus du capital pratiquées par ses prédécesseurs n’auraient pas eu l’impact attendu sur la croissance et l’investissement et auraient accru les inégalités sociales. Selon l’économiste Paul Krugman, prix Nobel d’Économie en 2008, la « Bidenomics » – terme faisant référence à l’ensemble des principes économiques guidant la politique de l’administration Biden – consiste en « un investissement public à grande échelle financé par une fiscalité très progressive ».

En matière de fiscalité des ménages, alors que la France a supprimé l’Impôt de solidarité sur la fortune et a instauré le Prélèvement forfaitaire unique sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, Joe Biden souhaite rétablir davantage de progressivité avec le American Families Plan. Parmi les mesures phares :

(i) Une augmentation du taux marginal d’imposition sur les revenus des contribuables gagnant plus d’un million de dollars par an, passant de 37% à 39,6% ;

(ii) Pour ces mêmes ménages, la taxation des revenus du capital sera alignée sur celle des revenus du travail : dividendes et plus-values seront aussi imposés à 39,6%. (iii) De nouveaux moyens accordés à l’Internal Revenue Services (IRS), l’administration fiscale américaine, destinés à mieux lutter contre les divers abus. Ces mesures devraient rapporter 1500 milliards de dollars à l’horizon 2031.

En matière de fiscalité des entreprises, l’Administration Biden revient notamment
sur le taux de l’impôt sur les sociétés, diminué de 35% à 21% par Donald Trump, en
le portant à 28%, avec un taux minimum d’imposition de 15% sur la base du résultat comptable. Ensuite, elle remplace certains avantages fiscaux bénéficiant aux énergies fossiles par d’autres avantages bénéficiant aux énergies propres.

Enfin et surtout, Joe Biden remplace le système Base Erosion Anti-abus Tax (BEAT) par le Stopping Harmful Inversions and Ending Low-Tax Developments (SHIELD), qui vise à cibler plus efficacement les transferts de bénéfices vers des Etats et territoires à faible taux d’imposition, tout en incitant les autres pays à adopter un régime d’imposition minimale au niveau mondial. Ainsi, le SHIELD semble s’inspirer de la Undertaxed Payments Rule (UTPR) contenue dans le projet BEPS 2.0 (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE, l’accord ayant été signé le 1er juillet dernier par 130 pays, dont la France et les États-Unis. Dans son deuxième pilier, l’accord introduit un taux d’impôt sur les bénéfices minimum mondial à 15%, lequel devrait générer 150 milliards de dollars de recette fiscale supplémentaire par an au niveau mondial. L’UTPR a quant à elle pour objectif de protéger les Etats membres de l’OCDE contre la dégradation de l’assiette fiscale via des paiements intragroupes destinés à des entités faiblement imposées.

Ainsi, huit mois après le début de son mandat, la politique fiscale de Joe Biden s’inscrit de manière assumée dans un mouvement interventionniste avec pour objectif une meilleure répartition des richesses et la lutte contre les paradis fiscaux.

Sources

. BOYER Pierre, « Joe Biden a le pouvoir d’imposer sa politique fiscale au reste du monde », Polytechnique Insights, 29 avril 2021, https://www.polytechnique- insights.com/tribunes/economie/joe-biden-a-le-pouvoir-dimposer-sa-politique- fiscale-au-reste-du-monde/

. GAUTHIER Martin, « Le mot du jour « Bidenomics » ou l’économie selon Joe Biden », Courrier International , 3 mai 2021, https://www.courrierinternational.com/article/le-mot-du-jour-bidenomics-ou- leconomie-selon-joe-biden

. I. Théo, « Série sur les « Bidenomics ». Premier épidsode (1/3) : une confiance retrouvée dans la fiscalité », Alternatives Economiques, 30 août 2021, https://blogs.alternatives-economiques.fr/gauche/2021/08/30/serie-sur-les- bidenomics-premier-episode-13-une-confiance-retrouvee-dans-la-fiscalite

. JAVED Kashif, WIENER Howard, “US Tax Reform 2.0 – Beat Down, Shield up ?”, 24 mai 2021, https://home.kpmg/uk/en/home/insights/2021/05/tmd-us-tax- reform-2-0-beat-down-shield-up.html

. « Undertaxed Payments Rule », OCDE, 14 décembre 2020, https://www.oecd-ilibrary.org/taxation/tax-challenges-arising-from-digitalisation- report-on-pillar-two-blueprint_33895d4d-en

. « BEPS 2.0 : Pillar One and Pillar Two, KPMG insights on the recent OECD “blueprints” », https://home.kpmg/xx/en/home/insights/2020/10/beps-2-0-pillar- one-and-pillar-two.html

Votre commentaire