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Retour sur les précisions apportées par l’administration fiscale sur le dispositif « DAC 6 »

Face à la mobilité des capitaux et des personnes, des “planifications fiscales agressives” transfrontières ont vu le jour ces dernières années, ayant pour conséquence une diminution considérable des recettes fiscales des États. C’est ainsi que les autorités fiscales de l’Union Européenne ont mis en place un système d’échange d’informations afin de lutter contre la “planification fiscale agressive” transfrontière.

Dans cette optique, l’ordonnance du 21 octobre 2019 (2019-1068) a transposé aux articles 1649 AD à 1649 AH du code général des impôts (CGI) la directive 2018/822 du 25 mai 2018, dite « DAC 6 », relative à l’optimisation fiscale transfrontière. Cette directive vise à renforcer la transparence ainsi que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en mettant à la charge des intermédiaires, ou le cas échéant des contribuables, une obligation de déclarer aux autorités fiscales les dispositifs transfrontières à caractère potentiellement agressif.

La semaine dernière, le 9 mars 2020, l’administration fiscale est revenue sur ces dispositions afin d’en préciser certaines modalités avant l’entrée en vigueur effective du dispositif le 1er juillet 2020. Sur ce point, l’administration d’ailleurs est venue préciser que les dispositifs mis en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020 devront être déclarés au plus tard le 31 août 2020. En revanche, les dispositifs transfrontières mis en œuvre avant le 25 juin 2018 ne devront pas être déclarés, quand bien même ils produiraient leurs effets après le 25 juin 2018.

  • Précisions sur les personnes concernées

L’article 1649 AE du CGI identifie les personnes soumises à cette obligation. Ce sont, tout d’abord, les intermédiaires (avocats, comptables, établissements de crédit, …) qui sont concernés par cette obligation de déclaration. Par intermédiaire, il faut comprendre « toute personne qui planifie, propose, développe, commercialise ou organise un dispositif transfrontière, objet de la directive, qu’il le mette à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou qu’il en gère la mise en œuvre ».

Le 9 mars 2020, l’administration fiscale a toutefois précisé que la notion d’intermédiaire est indifférente du fait que ce dernier ait la personnalité juridique, qu’il soit rémunéré, ou encore qu’il appartienne à une catégorie professionnelle donnée.

Les intermédiaires, prestataires de services, qui ne sont pas concepteurs des dispositifs transfrontières, mais qui ont cependant que leurs services ont été rendus dans le cadre d’un tel dispositif, sont considérés comme des intermédiaires au sens de la directive « DAC 6 ». A contrario, l’intermédiaire, qui intervient ou prend connaissance du dispositif après à sa mise en œuvre ou après la délivrance du conseil conduisant à ladite mise en œuvre, n’est pas considéré comme un intermédiaire. Mais, encore faut-il dans ce cas que le prestataire de services n’ait apporté aucune aide, assistance ou conseil se rapportant à la conception, la commercialisation ou l’organisation du dispositif transfrontière.

Ainsi, ne sont pas considérés comme des intermédiaires prestataires de services au sens de l’article 1649 AE du CGI :

  • Un commissaire aux comptes, qui, lors de la réalisation de l’audit légal d’un des participants à un dispositif transfrontière déclarable, prendrait connaissance de celui-ci seulement après à sa mise en œuvre, et l’identifierait comme entrant dans le champ des obligations déclaratives.
  • Un conseil, qui n’est pas à l’origine du dispositif et dont la mission consisterait uniquement à se prononcer sur le caractère déclarable ou non d’un dispositif transfrontière.
  • Un établissement de paiement ou un établissement de crédit autorisé à exercer dans le secteur financier réglementé qui effectue des opérations bancaires de routine.

Enfin, à défaut d’intermédiaire ou lorsque l’intermédiaire est établi hors de l’Union européenne ou, sous certaines conditions, lorsque celui-ci est soumis au secret professionnel, le contribuable est lui-même redevable de la déclaration des planifications fiscales agressives mises en oeuvre à son profit (BOI-CF-CPF-30-40-10-20 n° 230).

  • Précisions sur les opérations concernées

L’article 1649 AD, II du CGI précise que l’obligation déclarative s’impose en présence d’un dispositif transfrontière. Autrement dit, l’obligation ne concerne que les dispositifs faisant intervenir deux États membres ou un État membre et un État tiers.

L’administration fiscale est venue définir la notion de dispositif comme « tout accord, montage ou plan ayant ou non une force exécutoire, ainsi que toutes les étapes et transactions par lesquelles il prend effet » (BOI-CF-CPF-30-40-10-10 n°10 et suivants). Ainsi, l’administration assimile à un dispositif les mesures visant à tenir les réunions du conseil d’administration d’une société dans un État différent de l’État de résidence de la société afin de pouvoir faire valoir un changement de résidence. A contrario, le simple fait pour un contribuable d’attendre l’expiration d’un délai ou d’une période légale pour réaliser une transaction en exonération d’impôt ne constitue pas un dispositif.

Ces dispositifs ne doivent toutefois être déclarés que s’ils présentent au moins une caractéristique ou particularité, appelée « marqueur », indiquant un risque potentiel d’évasion fiscale. Il est précisé que ces marqueurs peuvent être de nature générale ou spécifique, et sont détaillés en annexe IV de la directive.

Signalons (malheureusement) que l’administration fiscale n’apporte aucune précision sur la définition de ces marqueurs. L’administration se contente d’affirmer qu’un dispositif transfrontière, présentant un avantage fiscal principal, doit être analysé dans son ensemble, de manière objective, en considérant les effets dans les États de l’Union européenne et hors de l’Union européenne.

En présence d’un dispositif transfrontière présentant plusieurs objectifs, il faut apprécier la proportionnalité de l’avantage fiscal en étudiant notamment la valeur de cet avantage par rapport à la valeur des autres avantages retirés du dispositif.

Ainsi, il faudra déclarer tout dispositif tendant à minorer la base fiscale, tendant à transférer des bénéfices ou encore tendant à contourner des échanges de renseignements. Plus précisément, il faudra, par exemple, déclarer un dispositif qui a pour effet de convertir des revenus en capital, en dons ou en d’autres catégories de recettes qui sont taxées à un niveau inférieur ou ne sont pas taxées.

  • Précisions sur les impôts concernés

S’agissant des impôts concernés, l’administration fiscale précise que les dispositions des articles 1649 AD à 1649 AH du CGI ne s’appliquent pas à la TVA, aux droits de douane, aux droits d’accise et à certains prélèvements sociaux et cotisations obligatoires (BOI-CF-CPF-30-40-10 n° 1).

  • S’agissant des sanctions

Finalement, en ce qui concerne les sanctions, la directive laisse aux États membres le soin de déterminer les sanctions applicables, celles-ci devant tout de même être « effectives, proportionnées et dissuasives ».

C’est ainsi que le législateur français a décidé que les manquements à l’obligation de déclaration ou de notification seront sanctionnés par une amende qui ne peut toutefois excéder 10.000 €.

Néanmoins, s’agissant de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes, le montant de l’amende ne pourra excéder 5 .000 €. Enfin, le montant de l’amende appliquée à un même intermédiaire ou à un même contribuable concerné est plafonné puisqu’elle ne pourra excéder 100. 000 € par année civile.

En conclusion, en France l’amende encourue reste assez faible face aux gains d’impôts éventuellement réalisés via l’évasion fiscale…

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