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Réforme du droit des sûretés Le cautionnement – Le devoir de mise en garde

Le 16 septembre 2021, était publiée au Journal officiel l’ordonnance n°2021-1192 portant réforme du droit des sûretés. Cette réforme intervient suite à l’habilitation du gouvernement pour refonder cette matière, contenue dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – dite loi PACTE en date du 22 mai 2019.

C’est en réaction à l’ordonnance n°2006-356 du 23 mars 2006, relative aux sûretés, dont le contenu s’est avéré incomplet – et notamment en raison de l’absence de modification du droit du cautionnement, qu’est apparue l’ambition de réformer à nouveau le droit des sûretés. A cet effet, un « avant-projet de réforme du droit des sûretés » avait été élaboré par l’Association Henri Capitant.

A l’aune de ces travaux préparatoires, qui ont aboutis à l’ordonnance du 15 septembre 2021, l’on discerne les raisons ayant motivé une nouvelle intervention législative. Le droit des sûretés a notamment été l’objet d’un mouvement de complexification, générant un morcellement des textes – sans pour autant que ceux-ci n’apportent suffisamment de sécurité juridique pour éviter qu’un contentieux de masse ne se cristallise sur certaines problématiques.

L’article 60 de loi PACTE évoquait ainsi les objectifs de la réforme comme visant à « simplifier le droit des sûretés » mais aussi à « renforcer son efficacité », notamment dans l’optique de favoriser la sécurité juridique des parties impliquées. Ces finalités ont été mises en œuvre au travers d’une évolution du droit des sûretés réelles, mais surtout d’une réforme du droit du cautionnement.

Cette sûreté a été modernisée, et le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance portant réforme du droit des sûretés témoigne notamment de précisions apportées aux « règles juridiques existantes en droit positif », telles que celles relatives « à l’obligation d’information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité ».

Plus spécifiquement, certaines solutions jurisprudentielles ont été consacrées dans le droit cautionnement à l’image du devoir de mise en garde.

Rappel : à l’origine ce devoir est une création prétorienne. Il pèse sur les établissements de crédit, à l’égard de toute caution non avertie personne physique. Deux facettes du devoir de mise en garde doivent être distinguées.
La banque doit mettre en garde la caution lorsque, d’une part, le cautionnement n’est pas adapté aux capacités financières de la caution et, d’autre part, le crédit garanti est inadapté aux capacités de remboursement de l’emprunteur.

Lorsque l’établissement de crédit manque à son devoir de mise en garde, la caution peut demander l’octroi de dommages et intérêts au titre de son préjudice (la perte de chance de ne pas avoir contracté). Ces dommages et intérêts viennent ensuite compenser la dette de la caution.

Depuis la réforme du droit des sûretés : le devoir de mise en garde a été consacré et modifié substantiellement à l’article 2299 du Code civil.

Tout d’abord, le texte étend le devoir de mise en garde. Celui-ci est désormais dû par tout créancier professionnel à l’égard de toute caution personne physique. Il n’est plus nécessaire de distinguer selon que la caution est avertie ou non. Si cette condition était source de contentieux et d’insécurité juridique, il est possible de s’interroger sur les conséquences de sa suppression. En effet, les cautions averties pourront désormais se prévaloir du manquement de leur créancier.

Ensuite, le texte réduit l’objet du devoir de mise en garde. Ce dernier ne porte plus que sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal au regard de ses capacités financières. L’adéquation du cautionnement avec les ressources de la caution relève désormais de l’exigence législative de proportionnalité, prévue au nouvel article 2300 du Code civil. Cet apport de la réforme pourrait être source de clarté et de lisibilité.

Pour finir, la sanction du manquement au devoir de mise en garde a été modifiée. Le texte prévoit dorénavant la déchéance du droit dont dispose le créancier contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. Il s’agira alors d’un moyen de défense au fond qui n’est pas soumis à prescription.

Sources :

. Ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

. Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

. LEGEAIS Dominique, GRAFF-DAUDRET Michèle, MATUCHANSKY Olivier, GOUËZEL Antoine, « Sûretés personnelles – Actualité du droit des sûretés personnelles », Revue de droit bancaire et financier n°4, Juillet 2021, ed. LexisNexis

. BOUGEROL Laetitia, « Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement », 19 septembre 2021, Dalloz Actualité

. LEGEAIS Dominique, « Réforme des sûretés – Ce qu’il faut retenir de l’ordonnance réformant le droit des sûretés », Revue de droit bancaire et financier n°5, Septembre 2021, ed. LexisNexis

. ANDREU Lionnel et MIGNOT Marc, « La réforme du droit des sûretés », L.G.D.J – Lextenso éditions Institut Universitaire Varenne Collection Colloques & Essais

. BLANDIN Yannick et MAZEAUD Vincent, « Quelle réforme pour le droit des sûretés ? », Edition Dalloz, Collection Thèmes et commentaires

. DUPICHOT Philippe, « Sûretés : 15 ans après, une réforme des sûretés à sa maturité », La Semaine Juridique – Entreprise et Affaires n°40, 7 octobre 2021, ed. LexisNexis

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