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Un projet de réforme du Haut Comité de la Place de Paris : vers une coprésidence au sein de la SAS

La Société par Actions Simplifiée est une forme sociétaire en pleine expansion puisqu’elle représentait en 2018, 61% des créations de sociétés. Le mot d’ordre émanant de cette volonté de réformer la SAS semble être « la prudence » car il apparait essentiel qu’elle conserve souplesse et flexibilité, tout en évitant la banalisation. 

Aujourd’hui et contrairement à la SARL ou à la SA qui admettent la cogérance, la loi ne permet pas en matière de SAS, de la doter d’une coprésidence. L’article L. 227- 6 du code de commerce dispose bien que « La société est représentée à l’égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. ».  

Cependant, le président peut être épaulé par un directeur général de SAS, un directeur général délégué ou un autre organe de direction. La loi du 3 janvier 1994  instaurant le modèle de la SAS s’est inspiré de celui de la SA avec  un président et un directeur général.

Après de multiples discussions sur le fait de savoir si la présidence d’une SAS se pouvait plurielle, la doctrine et la pratique se sont pourtant accordées pour réfuter cette théorie au regard de la législation.

Même si la lettre du texte a d’ores et déjà été exploitée par de multiples interprétations, la question de la coprésidence semble encore faire l’objet de questionnements. Cette problématique se fonderait sur deux piliers principaux : la liberté de gestion de la direction de la SAS et la demande accrue de la pratique. 

Pour autant, le Haut Comité de la Place de Paris avait comme objectif de réfléchir à un projet de réforme de la SAS, société qui ne fait l’objet que d’éloges auprès de la pratique. En effet comme l’a rappelé le Professeur Emérite Michel GERMAIN de l’Université Paris II, « il convient de polir le diamant sans l’ébrécher ».

Certes si la coprésidence pourrait être un foyer d’affrontements, cela reste le moyen de prendre des décisions bâties à deux, pensées sous deux points de vue différents. Un autre bienfait de la coprésidence peut également résider dans le caractère attractif qu’elle déploie pour se mettre d’accord sur une organisation. Cette coprésidence est très attrayante à établir au départ et ne pourra perdurer sur le long terme que si la confiance réciproque et la dynamique managériale sont ancrées au sein de la société.

Ainsi, les intervenants ont pu donner l’exemple type d’une coprésidence française qui se retrouve au sein du groupe ACCOR, fondé et co-dirigé par Monsieur Paul Dubrule et Monsieur Gérard Pélisson qui ont toujours montré une parfaite égalité entre eux. 

De plus, cette coprésidence semble être envisageable au regard de la liberté inhérente dont est investie la SAS. La loi de 1994 démontre bien cette grande liberté laissée au choix du système de direction par les rédacteurs des statuts.

Par ailleurs la pratique souhaiterait pouvoir répondre aux besoins d’une coprésidence duale. Selon Monsieur PERRIN Pierre-Louis, avocat associé chez Bersay & Associés, plusieurs solutions pourraient être envisagées dans l’absolu afin de contrecarrer cette carence législative.

Ainsi, dans un premier cas, les mêmes pouvoirs d’engagements pourraient se voir confier à deux dirigeants. Dans l’ordre externe, ils posséderaient le même pouvoir d’engagement face aux tiers et toute hiérarchie serait exclue. Dans l’ordre interne, ils bénéficieraient des mêmes pouvoirs d’initiative (consulter le conseil d’administration par exemple). Une stricte égalité serait donc respectée tout en conservant cette image traditionnelle d’une présidence épaulée par sa direction générale.

Dans un second cas, instaurer une présidence tournante pourrait être un moyen de contourner l’impossibilité de cogérance au sein de la SAS. Les présidents se succéderaient à tour de rôle et ce, après une période prédéfinie dans les statuts. Cependant, cette solution apparaitrait toutefois comme une source assurée de confusion vis-à-vis des tiers.

La proposition d’un panache de responsabilités serait également envisageable. Dans la Holding, l’un serait président et l’autre directeur général tandis que dans la société opérationnelle, l’un serait président de la société et l’autre du conseil d’administration.

Une fois l’égalité créée entre les deux titulaires du pouvoir exécutif, l’organisation inhérente à la cogérance doit être pensée. Il est impératif de planifier des clauses d’organisation des pouvoirs. 

Une question demeure quant au « titre » de président qui présente une importance caractéristique. Ainsi, le Directeur général qui se présenterait Président du groupe créerait-il une apparence trompeuse ? Même si les deux titres n’affichent pas la même terminologie, les pouvoirs seraient équivalents et ainsi, il semblerait que l’apparence trompeuse ne soit pas à retenir. De même, un délit condamnable pénalement serait qualifié seulement si la mauvaise foi du dirigeant est caractérisée.

Ces quelques solutions ne semblent pourtant pas rimer avec simplicité et c’est pourquoi un groupe de travail du Haut Comité de la Place de Paris étudie cette problématique de coprésidence afin de trouver des solutions au regard des textes.

Quelles solutions pourraient donc être envisagées par les textes ? 

Selon Monsieur SCHLUMBERGER Edmond, professeur de l’université de Paris VIII, la proposition du groupe de travail serait de créer un article spécifique à la lumière d’une approche formelle et d’une autre substantielle.

Ainsi, le souhait est fort d’éviter tout alourdissement des dispositions légales relatives à la présidence à savoir celles contenues dans l’article L. 227-6 du Code de commerce. L’éventuel ajout du terme « les » à la suite du pronom « le » désignant inéluctablement l’unicité de la direction, au sein de l’alinéa 1er, apparait pourtant comme une possibilité.

De plus, le groupe de travail semble vouloir conserver la liberté substantielle offerte à la SAS par l’article L. 227-5 du Code de commerce qui dispose que « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée » en rendant la coprésidence optionnelle.

La volonté de présenter un nouvel article L 227-6-1 du Code de commerce, décliné en trois aliénas, apparait donc comme la solution envisagée pour faire éclore une coprésidence en SAS.

Ainsi, l’alinéa 1er ouvrirait la possibilité à la coprésidence mais toujours dans le respect d’une dualité au sens stricte. En effet, les risques de conflits d’une pluralité de dirigeants exécutifs s’accroissent avec le nombre de titulaires.

Cependant, il ne parait pas impossible que ce choix entre dualité et pluralité puisse être laissé aux associés, surtout dans une forme sociale comme la SAS, où le principe de libre organisation de la direction en est la pierre angulaire.

L’alinéa 2 viendrait quant à lui, distinguer les relations internes de celles concernant les tiers, en s’inspirant des alinéas 4 et 5 de l’article L. 223-18 du Code de commerce en matière de SARL.

Enfin, l’alinéa 3 affirmerait que dans « les rapports avec les tiers, la société serait engagée par les actes de chaque président dans les conditions prévue à l’article L. 227-6 du Code de commerce ». 

Ainsi dans les rapports internes, le pouvoir serait exercé de manière conjointe tandis que dans les rapports externes, chaque président pourrait engager la société vis-à-vis des tiers, comme s’il était le président unique de la société. Dans la pratique, une pluralité de décisions pourrait être soumises à la prise de décision commune et pour le reste, la liberté de gérance, si chère à notre SAS, primerait.

L’acte passé suffirait à lui seul à engager la société à l’égard des tiers conformément à la règle générale selon laquelle les clauses statutaires limitatives de pouvoirs sont inopposables aux tiers. La sanction de la violation des statuts se retrouverait dans l’ordre interne avec à l’issue une révocation, action en responsabilité par exemple en fonction des stipulations du pacte social. Par ailleurs, la jurisprudence se montre de plus en plus favorable à la révocation des statuts par les tiers, ce qui pourrait permettre aux tiers de remettre en cause un acte passé en violation de la répartition des pouvoirs.

Concernant l’exercice contradictoire des pouvoirs d’engagement, les statuts de la SAS pourraient reprendre le mécanisme légal d’opposition dans les autres formes sociales mais cela ne semblerait pas fonctionner en SAS.

Dans l’ordre interne, chaque coprésident pourrait s’opposer à toute opération et ainsi se dégager de toute responsabilité envers la société mais cette prérogative suppose qu’il soit au courant de l’acte passé. Dans l’ordre externe, l’opposition du coprésident est inefficace sauf si, comme la loi le prévoit, le tiers « savait ».

Dans ce cas exceptionnel, la société pourrait se soustraire à l’engagement souscrit par l’autre dirigeant au vu de la mauvaise foi. Mais encore faut-il que celui qui veut y recourir ait connaissance de l’acte en cours de négociation. Il semblerait donc que l’opposition soit peu efficace dans la pratique.

Cette volonté d’admettre une coprésidence dans la SAS nous a donc été dépeint comme un outil optionnel qui permettrait au pouvoir exécutif de la société de trouver un appui décisionnel, un partage de sa responsabilité et l’apport d’un enrichissement et serait surtout une réponse à une demande la pratique.

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