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L’annonce par Vivendi d’une OPA sur Lagardère

Mercredi 15 septembre, Vivendi, le groupe de médias français, a annoncé le rachat des parts détenues par le fonds d’investissement britannique Amber Capital dans le groupe Lagardère.

Cette annonce fait suite à la conclusion d’un pacte d’actionnaire, le 10 août 2020, entre le fonds activiste Amber Capital et Vivendi, prévoyant un droit de première offre et de préemption réciproque.

Grâce au rachat des parts de l’actionnaire britannique, le groupe Vivendi détiendra 45,1% du capital et 36, 1% des droits de vote de Lagardère.

Or l’article L.433-3 du Code monétaire et financier rend obligatoire le dépôt d’une offre publique d’acquisition lorsque l’initiateur de l’offre franchit le seuil de détention de 30% du capital ou des droits de vote.

En l’espèce, le groupe Vivendi devra donc lancer une offre publique d’acquisition sur l’ensemble du capital de la société cible.

Mais l’opération va devoir faire l’objet de plusieurs contrôles.

Tout d’abord, le projet d’offre publique d’acquisition devra être déposé à l’AMF. En vertu de l’article 231-13 du Règlement général de l’AMF, ce dépôt garantit la teneur et le caractère irrévocable des engagements du groupe Vivendi.

Le projet fera alors l’objet d’un contrôle de conformité aux dispositions législatives et réglementaires applicables par L’AMF, comme le prévoit l’article 231-21 du Règlement susmentionné. L’Autorité tiendra notamment compte des principes de loyauté, de transparence du marché et d’égalité des actionnaires.

Par ailleurs, l’OPA aboutissant à une prise de contrôle du groupe Lagardère par Vivendi, elle peut être qualifiée d’opération de concentration au sens de l’article L.430-1 du Code de commerce. Par conséquent, elle fera l’objet d’un contrôle par l’Autorité de la concurrence, voire par la Commission Européenne si l’opération est de dimension communautaire.

L’article 231-11 du Règlement général de l’AMF indique que l’initiateur de l’OPA faisant l’objet d’un contrôle par l’Autorité de la concurrence ou la Commission Européenne peut insérer une condition suspensive d’obtention de l’autorisation dans l’offre.

Il précise également que, si l’Autorité de la concurrence ou la Commission Européenne identifient un doute sérieux d’atteinte à la concurrence après l’examen de l’opération, l’offre est caduque.

Par conséquent, le contrôle des concentrations est susceptible de ralentir la procédure d’offre publique d’acquisition.

En l’espèce, ce risque est important puisqu’il est envisageable que l’opération fasse l’objet d’un examen approfondi et d’une autorisation sous conditions par l’Autorité compétente.

En effet, le groupe Vivendi détient déjà le groupe Editis composé notamment des éditions Nathan, Robert Laffont et Bordas. En prenant le contrôle du groupe Lagardère, Vincent Bolloré obtiendrait, entre autres, Paris Match, Canal + et les éditions Hachette. Eu égard aux risques d’atteinte à la concurrence sur le marché des médias et de l’édition, il est possible que l’opération soit autorisée à condition que des engagements, notamment structurels (cessions d’actifs), soient pris.

Enfin, cette modification du contrôle du groupe Lagardère devra faire l’objet d’un agrément de la part du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. Celui-ci doit en effet veiller à maintenir un équilibre, une concurrence et une diversification dans le secteur de l’audiovisuel en vertu de l’article 3-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Si les autorisations requises sont obtenues, l’opération aura d’importantes conséquences pour le groupe Lagardère.

En effet, depuis la transformation en société anonyme de Lagardère en juin 2021, Arnaud Lagardère a perdu sa commandite. La forme sociale de la société en commandite par actions offre pourtant une protection non négligeable face aux offres publiques d’acquisition. Elle permet de dissocier le pouvoir du capital, règlemente strictement la cession des parts de commandite et offre un statut protecteur au gérant.

Devenue société anonyme, l’avenir de Lagardère et de son Président-Directeur- Général est plus incertain. Il s’agira de savoir si les autres actionnaires, notamment M. Bernard Arnault et le fonds Qatar Holding, seraient intéressés par l’idée de revendre leurs parts à Vivendi.

Sources :

. DEREU Yves, « Sociétés en commandite par actions », JurisClasseur Sociétés

. Traité, , Fasc 152-10, , ed. LexisNexis.

. MENJUCQ Michel, « Offres publiques d’acquisition », JurisClasseur Europe Traité, , Fasc 862, ed. LexisNexis
Règlement Général de l’AMF

. CASSINI Sandrine, « Les coulisses du raid éclair de Vivendi sur Lagardère » Le Monde.

. ALCATRAZ Marina, BOISSEAU Laurence, « Une offre financière qui doit convaincre », Les Echos.

. FRANQUE Adrien, LEFILIÂTRE Jérôme, « Lagardère bientôt digéré par l’ogre

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