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La réforme du droit des entreprises en difficulté issue de l’ordonnance du 15 septembre 2021 et les petites et moyennes entreprises

Entrés en vigueur le 1er octobre dernier, l’ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification des procédures du livre VI du Code de commerce et son décret d’application du 23 septembre 2021 sont uniquement applicables aux procédures ouvertes à compter de cette date (et non aux procédures en cours à cette date). Cette ordonnance transpose en droit français la directive UE « Restructuration et insolvabilité » du 20 juin 2019 visant notamment à augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes. Aussi, elle vient pérenniser des mesures temporaires prises face à l’épidémie de covid-19 dont les effets se sont révélés positifs. Coup d’œil sur deux de ses évolutions attendues à la lumière du contexte économique actuel.

I – La procédure de liquidation judiciaire simplifiée étendue aux entrepreneurs individuels ne possédant pas de biens immobiliers

Issue de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, la liquidation judiciaire simplifiée vise à permettre une réalisation plus rapide des opérations de liquidation, lesquelles doivent être terminées au plus tard six mois après l’ouverture de la procédure, ou un an pour les entreprises d’au moins un salarié et réalisant un chiffre d’affaires de 300 000 euros.

L’article L.641-2 du Code de commerce impose de suivre cette procédure pour les petites entreprises dont l’actif ne comprend pas de bien immobilier et dont le nombre de salariés au cours des six mois précédant l’ouverture de la procédure ainsi que le chiffre d’affaires hors taxes sont égaux ou inférieurs à des seuils fixés par décret (cinq salariés et 750 000 euros de chiffre d’affaires hors taxes). Mais l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 avait déjà assoupli les conditions d’ouverture de la procédure, laquelle s’étendait également à tout débiteur personne physique dont le patrimoine ne comprenait pas de biens immobiliers (sans condition de chiffre d’affaires), mesure entérinée par l’article 52 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 qui modifie l’article L.641-2 alinéa 1er in fine du Code de commerce.

Tout entrepreneur individuel ne possédant pas de bien immobilier sera désormais soumis à ces dispositions, mesure sans doute bienvenue au regard de l’essor des immatriculations d’entreprises individuelles en 2020 : + 9% de créations d’entreprises individuelles, dont 88 500 créations d’entreprises dans le secteur des transports et de l’entreposage sous le régime du micro-entrepreneur, selon les chiffres de l’Insee. Le tissu entrepreneurial breton était également dynamique puisqu’en 2020, le nombre de créations d’entreprises augmentait de 3,1%.

II – L’extension du champ d’application de la procédure de sauvegarde accélérée

Créée par l’ordonnance du 12 mars 2014, la procédure de sauvegarde accélérée est en principe soumise aux règles de la sauvegarde de droit commun mais son champ d’application est plus étroit et elle est soumise à un régime dérogatoire car c’est, d’une part, une procédure accélérée et, d’autre part, une procédure dont les effets sont limités à certains créanciers (article L.628-1 et suivants du Code de commerce).

La procédure de sauvegarde accélérée a pour objet de pré-négocier un accord adopté par une majorité de créanciers, dans le cadre d’une conciliation, pour ensuite le faire adopter en tant que projet de plan, afin que le tribunal statue sur celui-ci et arrête définitivement un plan.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 modifie l’article L.628-1 précité en étendant la procédure à toutes les entreprises dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, pérennisant le régime instauré par l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 durant la crise sanitaire. Elle supprime ainsi les conditions alternatives consistant soit à ce que les comptes du débiteur atteignent certains seuils (vingt salariés, 3 000 000 d’euros de chiffre d’affaires hors taxes et 1 500 000 euros de total de bilan), soit à ce que le débiteur ait établi des comptes consolidés. Cependant, la procédure de conciliation demeure la condition préalable à la demande d’ouverture de la sauvegarde accélérée par le débiteur ; alors, il devra pouvoir justifier avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. L’ordonnance modifie le calendrier de la procédure à l’article L.628-8 du Code de commerce : le tribunal arrête désormais le plan dans un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, prorogeable jusqu’à quatre mois (contre un délai de trois mois non prorogeable jusqu’alors), ce qui offre davantage de souplesse car le plan doit être voté à la majorité par les nouvelles « classes de parties » (nouvelle appellation des comités de créanciers).

Ainsi, si à l’origine la procédure de sauvegarde financière accélérée créée par la loi du 22 octobre 2010 (transformée en sauvegarde accélérée, avec une variante) n’avait pas connu un franc succès du fait de son manque d’accessibilité aux PME, les rédacteurs remédient progressivement à cette faiblesse initiale au fur et à mesure des évolutions économiques et particulièrement en temps de crise.

Sources :

. GOURDON, Hugo, « Un nouveau record de créations d’entreprises en 2020 malgré la crise sanitaire », INSEE Première, https://www.insee.fr/fr/statistiques/5016913#encadre, 3 février 2021

. LEMERCIER K., MERCIER F., « Entreprises en difficulté : la nouvelle réforme publiée ! », Dalloz Actualité, https://www.dalloz-actualite.fr/flash/entreprises-en- difficulte-nouvelle-reforme-publiee#.YV8ndy8ithB, 17 septembre 2021

. Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce

. Article L.641-2 du Code de commerce

. Articles L.628-1 à L.628-8 du Code de commerce

. Article L.626-31 du Code de commerce

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