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Airbus – Accord record en matière de corruption

En 2019, Airbus est devenu le premier avionneur du monde devant Boeing, son rival américain et réalise le meilleur résultat de son histoire. Malgré ce nouveau leadership salué à travers le monde, l’entreprise ne cesse de faire parler d’elle à cause d’une autre affaire.

Le 29 janvier 2020, le Groupe Airbus a signé un accord avec les Autorités Françaises (Parquet National Financier), Britanniques (Serious Fraud Office) et Américaines (Department of Justice) afin d’éviter des poursuites pour des faits présumés de corruption. Le montant total de la transaction s’élève à 3,6 milliards d’euros, dont 2,5 versés à la France, et 1,1 aux États-Unis et au Royaume-Uni.

En effet, en 2013, le groupe Airbus découvrait la non-conformité de transactions effectuées par une entité interne appelée « Strategy Marketing Organization » (SMO). En 2015, il mettait en évidence des contradictions dans les montants de commissions de consultants et l’omission d’agents commerciaux dans certaines transactions auprès des agences d’aide à l’export. Enfin, le groupe avait fait l’objet de soupçons de non-conformité avec la réglementation américaine sur la commercialisation d’armes (ITAR).

En 2016, à la suite d’audits internes, Thomas Enders, président exécutif de l’avionneur, dénonçait les irrégularités relevées, et déclenchait la mise en œuvre des procédures transactionnelles. L’objectif était de mettre le Groupe Airbus à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires grâce aux dispositions contenues dans la législation Britannique (U.K. Bribery Act), Américaine (Foreign Corrupt Practices Act) et Française (Loi dite « Sapin II »).

Promulguée le 9 décembre 2016, la loi « Sapin II » entend marquer un véritable tournant législatif en matière de lutte contre la corruption. En effet, la France n’a jamais condamné de manière définitive une entreprise pour corruption active d’agents publics étrangers, et ce alors même que les entreprises françaises font souvent l’objet d’investigations.

Avec cette loi, la France s’aligne sur les mécanismes existants à l’étranger, et instaure un outil comparable au deferred prosecution agreement (DPA) Américain : la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites applicables aux entreprises, associations et collectivités territoriales ayant été mises en cause pour des faits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale ou encore de blanchiment d’argent. Elle a pour effet d’éteindre la mise en œuvre de l’action publique si la personne mise en cause exécute les obligations auxquelles elle s’est engagée dans la convention. 

Ces obligations peuvent être de différentes natures telles que ;

  • Le versement d’une amende d’intérêt public à l’État dont le montant ne peut excéder 30% du chiffre d’affaires moyen annuel de l’entreprise
  • La mise en œuvre d’un programme de mise en conformité concernant la lutte contre la corruption sous la surveillance de l’Agence Française Anticorruption (AFA)
  • La réparation du dommage de la victime

(Ci-dessous, un schéma explicatif de la procédure de conclusion d’une CJIP).

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La Convention, validée par le Président du Tribunal Judiciaire de Paris le 31 janvier 2020, répondait à des enjeux considérables pour le groupe. Le premier, garder l’accès aux marchés publics. Le second, se mettre à l’abri des investigations menées par les différentes autorités territoriales. À ce titre, Airbus, qui a également signé un accord avec les USA, limite un risque important du fait de l’extraterritorialité des lois Américaines de lutte contre la corruption.

Airbus n’est pas le seul groupe d’envergure à avoir conclu ce type d’accord à l’instar de la Société Générale qui a conclu deux accords juin 2018 concernant ses affaires libyennes et les manipulations du taux interbancaire Libor et un troisième en novembre 2018 pour un montant total de 3,4 milliards de dollars ou encore le géant du luxe français Kering en mai 2019 dans le cadre d’une procédure pour fraude fiscale concernant sa marque Gucci. Ces accords démontrent l’efficacité du processus de lutte contre la corruption : les mécanismes mis à la disposition des entreprises pour limiter les sanctions aboutissent à de véritables mises en conformité.

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