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60% des produits vendus sur les places de marché jugés non conformes : Retour sur l’enquête de la DGCCRF

Les achats sur internet sont devenus pour beaucoup une habitude. Les chiffres le prouvent d’ailleurs. En 2020, le secteur du commerce et de la vente à distance représentait une hausse de 112 milliards, soit une croissance de 8.5% sur 1 an. Pourtant, les achats électroniques ne sont pas sans risque et peuvent même s’avérer dangereux. Ainsi, la sécurité et la conformité des produits non alimentaires vendus sur internet est un combat de tous les instants menés de front par la Commission Européenne et l’OCDE. Depuis 2018, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) s’est associée à ces instances dans le combat. C’est dans ce contexte qu’elle publie chaque année un rapport. Son objectif est de vérifier la sécurité et la conformité des produits qui sont proposés à la vente. Il y a un mois, le 15 octobre 2021, la DGCCRF a publié son nouveau rapport. Retour sur son contexte et son contenu.

Le contexte est tout simplement un contexte de croissance : croissance des achats sur internet, croissance du nombre de Market Place. Cette émergence et développement exponentiel des Market Place s’explique par le fait que le consommateur préfère d’avantage se fournir auprès des places de marché plutôt qu’auprès des vendeurs disposant d’une faible notoriété. Cependant, les produits vendus ne sont pas gérés directement par les places de marché. En clair, les places de marchés ne sont que des intermédiaires permettant de mettre en relation un client et un vendeur. La problématique est qu’elles ne sont pas tenues de vérifier la conformité des produits. Les vendeurs quant à eux soit ne connaissent pas la réglementation en vigueur soit ne souhaitent pas la respecter. Dans tous les cas, cela aboutit au même résultat ; les produits vendus ne sont pas conformes et sont parfois même dangereux.

L’enquête réalisée par la DGCCRF le révèle d’ailleurs. L’analyse est frappante, incisive et quelque peu préoccupante: pour les dix places de marchés contrôlées les manquements sont nombreux. En effet, sur 129 tests effectués plus de 60 % des produits comportent des anomalies et dans ces 60 % 32 % sont non conformes et dangereux. Cette analyse remplace deux enquêtes qui avaient été effectuées en 2018 et 2019. Les constats étaient identiques : les test révélaient une absence de conformité à la réglementation. En 2020, les produits ayant fait l’objet d’une analyse par le service commun des laboratoires étaient notamment les suivants :

  • Les jouets d’éveil
  • Des articles de puériculture
  • Les crèmes cosmétiques

A la suite de cette enquête la DGCCRF, a sollicité les plateformes concernées par ces manquements à la réglementation à retirer les produits visés de la vente. Le communiqué de presse révèle qu’elles ont fait preuve de célérité dans ce retrait. Elles ont d’ailleurs tout à fait intérêt à être prompte dans leur retrait. En effet, les Market Place sont considérées comme des éditeurs de contenu, à ce titre et en vertu de la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN, 2004) elles sont irresponsables si elles retirent promptement les objets en cause.

Cette enquête peut paraitre préoccupante d’autant que les ventes sur internet se multiplient depuis ces dernières années, la crise du Covid 19, entérinant cette situation. Pour autant, l’Europe ne reste pas sans solution. Déjà en 2018 un accord avait été trouvé entre les 4 plus grandes Market place que sont Alibaba ; Rakuten ; E bay et Amazon. Celles-ci avaient signé un engagement prenant la forme d’un code de conduite pour le retrait des produits dangereux vendus sur leurs sites en ligne. Ce code de conduite, signé le 25 juin 2018 et encore d’actualité, préconise la mise en œuvre d’une série d’actions concrètes pour améliorer la sécurité des produits non alimentaires vendus en ligne. Au total douze actions sont envisagées, parmi lesquelles :

  • Veille des plateformes sur les produits officiellement rappelés ;
  • Délai maximum de réactions aux signalements des autorités de 48 h ;
  • Coopération pour informer les consommateurs en cas de rappel d’un produit (…)

A l’époque, la Commissaire européenne chargée de la justice des consommateurs et de l’égalité des genres, Vera Jourova avait démontré cette volonté de protéger d’avantage les consommateurs lorsqu’il achètent en ligne par ces mots « De plus en plus de citoyens de l’UE effectuent des achats en ligne. Le commerce électronique a ouvert de nouvelles possibilités pour les consommateurs, en leur offrant un plus grand choix à des prix moins élevés. Les consommateurs devraient disposer de la même sécurité lorsqu’ils effectuent des achats en ligne que lorsqu’ils font leurs achats dans un magasin. Je salue l’engagement pris en matière de sécurité des produits, qui permettra d’améliorer encore la sécurité des consommateurs. J’appelle également les autres marchés en ligne à se joindre à cette initiative, afin qu’Internet devienne un espace plus sûr pour les consommateurs de l’UE ». Ses espoirs ne furent pas vains, puisque par la suite 2 places de marchés se sont ajoutées. Ainsi en 2020, 6 plateformes étaient signataires du code de conduite. Dès lors, l’enquête peut paraitre d’autant plus inquiétante que ces plateformes, en principe signataires du code de conduite sont concernées par les constats effectués. Il apparait ainsi, que bien qu’étant signataires du code de conduite, il y a des carences dans le respect des réglementations en matière de sécurité et de conformité.

Cependant, le futur n’est pas sans espoir et l’Europe veille au grain. Elle envisage ainsi de réformer le régime des plateformes notamment en consacrant leur responsabilité. En effet le problème actuel est que ces plateformes n’ont pas de vérification à effectuer sur les produits mis en vente. L’entrée en vigueur du Digital Service Act permettrait de consacrer cette responsabilité des plateformes et donc potentiellement d’améliorer la sécurité et la conformité des produits vendus. En effet, il est tout à fait loisible d’imaginer que les plateformes seraient plus enclines à vérifier la sécurité et la conformité des produits qu’elles mettent en vente si leur responsabilité pouvait être potentiellement engagée. Pour rappel le Digital Service Act (DSA), publié en décembre 2020 et devant entrer en vigueur en 2022, a pour objectif de créer un cadre de régulation, pour mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique. Ces nouvelles mesures permettront-elles d’améliorer la sécurité et la conformité des produits ? L’avenir nous le dira.

Sources :

. Conformité des produits vendus en marketplaces | economie.gouv.fr

. Soyez vigilant sur la sécurité des produits vendus en ligne ! | economie.gouv.fr

. European Commission and four online marketplaces sign a Product Safety Pledge to remove dangerous products (europa.eu)

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