Résumé :
La loi portant lutte contre le dérèglement climatique dite Loi Climat, publiée au JO le 24 août 2021, est l’un des aboutissements de ces travaux. Forte de ses 300 articles, elle vise pour l’essentiel à mettre fin à certains comportements et pratiques et à développer au sein des entreprises des comportements plus respectueux de l’environnement. La protection de l’environnement devient donc un équilibre important à prendre en considération dans les différentes sphères du droit des affaires.
Les thèmes envisagés par la loi Climat sont nombreux et divers. Aussi, cet article n’a pas vocation à faire la liste exhaustive des mesures et changements apportés par la présente loi. L’objectif cherché est surtout de pointer les principales évolutions apportées par la loi. Aussi, seront abordées les quelques modifications et réformes qui affecteront le droit des sociétés, mais aussi le droit de la consommation et le droit social. Le droit de la concurrence et le droit fiscal ne sont pas exclus de ces nouveautés mais elles ne seront pas évoquées dans les prochains développements.
L’environnement et sa protection sont devenus des enjeux essentiels de la société contemporaine. Les prises de consciences se font de plus en plus importantes et les voix s’élèvent de toute part pour que de profonds changements soient envisagés. C’est dans ce contexte que la Convention citoyenne a été réunie afin de réfléchir à la mise en place de mesures appropriées pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030.
I – La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et droit des sociétés
Si il est certain que la loi portant lutte contre le dérèglement climatique ne comporte pas un grand nombre de mesures relatives au droit des sociétés, il n’en demeure pas moins que les quelques dispositions présentes auront une incidence dans la vie des sociétés
- L’instauration d’un nouveau droit de préemption au profit des collectivités territoriale
Ainsi, l’article 244 de la loi instaure un nouveau régime de préemption* au bénéfice des communes et des intercommunalités. Il est désormais permis aux communes d’acquérir les terrains et les biens destinés à disparaitre. Les opérations concernées par ce droit de préemption sont notamment les apports en société d’immeubles ou de partie d’immeubles situés dans des zones exposées à l’érosion du littoral. En revanche, les communes ne pourront se prévaloir de ce droit de préemption lorsque les immeubles concernés sont compris dans un plan de cession* arrêté dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
On le constate donc, c’est une extension du droit des préemption des communes qui est prévue. En effet, il était déjà prévu que les biens immobiliers puissent être préemptés par les collectivités territoriales lorsqu’ils étaient situés dans le territoire d’une commune titulaire d’un droit de préemption urbain, dans une zone d’aménagement différé ou dans un périmètre provisoire de ZAD.
- Le renforcement du devoir de vigilance des grandes entreprises
Pour rappel, toutes les entreprises employant à la clôture de deux exercices consécutifs au moins 5000 salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises directes ou indirecte ou au moins 10 000 salariés en leur sein directes ou indirectes sont tenus d’établir un plan de vigilance. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique le renforce sur plusieurs points :
C’est tout d’abord sur le terrain de la sanction qu’une modification est opérée. En effet, outre les sanctions traditionnelles (mise en demeure, injonction, responsabilité extracontractuelle) les entreprises sont désormais susceptibles d’être exclues de la procédure de passation d’un marché public ou d’un contrat par l’acheteur. L’entrée en vigueur de cette nouvelle mesure est conditionnée à la publication d’un décret devant impérativement intervenir avant le 22 août 2026.
Ensuite le renforcement est opéré par l’élargissement du devoir de vigilance des grandes entreprises. Dans une optique de lutte contre la déforestation, la loi impose désormais aux entreprises d’inclure dans leur plan de vigilance* des mesures de vigilance raisonnables afin d’identifier les risques et de prévenir la déforestation associée à la production et au transport vers la France de biens et de services importés. Ces mesures viennent en supplément des mesures déjà requises concernant les risques et prévention des atteintes graves envers les libertés fondamentales, la santé et la sécurité et la santé des personnes. Ces nouvelles mesures devront être incluses à compter du 1er janvier 2024. En revanche, nous sommes encore dans l’attente de la publication de l’arrêté qui fixera les catégories de sociétés concernées par la présente mesure.
D’autres nouveautés sont apportées par la loi notamment la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères en cas de dommage minier de leur filiale.
Ainsi l’environnement et sa protection s’infiltrent dans le droit des sociétés mais aussi bien au-delà puisque de nombreuses mesures concernent également le droit de la consommation.
II – La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le droit de la consommation
Les consommateurs ne sont pas exempts de la loi Climat puisque de nombreuses mesures leur sont réservées.
Plusieurs objectifs en ressortent :
– Améliorer l’information du consommateur
– Lutter contre le gaspillage et les déchets
– Encadrer les publicités
1. L’information du consommateur : enjeu important de la loi Climat
L’information du consommateur est un des principaux enjeux de la Loi. Cette information concerne plusieurs points :
- Affichage de l’impact environnemental des biens et services
Les entreprises seront désormais contraintes d’afficher l’impact environnemental des biens et services. Cet affichage était certes déjà prévu par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) mais il n’était que facultatif. La loi Climat le rend donc désormais obligatoire pour les catégories de biens et services qui seront définies par décret.
S’agissant de la forme qu’il doit prendre, il est prévu qu’il puisse se faire par voie de marquage ou d’étiquetage ou par tout autre procédé dès lors qu’il est visible par le consommateur. Le consommateur devra notamment être informé de l’impact qu’a le produit en termes d’émission de gaz à effet de serre, d’atteintes à la biodiversité et de consommateur d’eau et d’autres ressources naturelles.
Le manquement à cette obligation est sanctionné par une amende administrative d’un montant maximal de 3000 € pour une personne physique et de 15000 € pour une personne morale.Pratiques commerciales trompeuses
- Pratiques commerciales trompeuses
Plusieurs mesures visent à préciser le périmètre des pratiques commerciales trompeuses*.
Tout d’abord, dans une perspective de clarification des règles d’appréciation de l’origine des biens, la loi précise la notion d’interdiction de toute publicité trompeuse sur l’origine du produit. Ainsi le caractère trompeur est apprécié « notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions “fabriqué en France” ou “origine France” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du Code des douanes de l’Union, sur l’origine non préférentielle des produits »; Loi art. 4
Ensuite, la loi assimile désormais expressément les allégations, indications ou présentations trompeuses sur l’impact environnemental d’un bien ou d’un service à une pratique commerciale trompeuse. L’auteur de telles pratiques commerciales trompeuses est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros, le montant de l’amende pouvant être porté à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit.
D’autres obligations d’informations ont également été érigées notamment une information quant à la saisonnalité des fruits et légumes ainsi que l’obligation de recourir à un label reconnu par l’état pour être reconnu comme équitable. En effet, actuellement la mention « commerce équitable » apposée sur un produit n’est pas subordonné à l’obtention d’un label délivré par l’état. Cela va donc changer.
On le voit donc, l’information du consommateur devient un enjeu essentiel de la protection de l’environnement. En obligeant les entreprises et commerce à mieux les informer, la loi Climat fait du consommateur un acteur essentiel de la protection de l’environnement. Cette multiplication d’informations l’invite à se responsabiliser et à devenir acteur de la protection de l’environnement en consommant de manière responsable.
2. La lutte contre le gaspillage et les déchets
La lutte contre le gaspillage était déjà abordée par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi Agec). La loi Climat complète ces dispositions.
- Développement de la vente en vrac dans les grandes et moyennes surfaces
La vente en vrac est abordée sur plusieurs points. Tout d’abord la loi Climat en modifie légèrement la définition qui avait été donnée par la loi AGEC. La vente en vrac est désormais définie comme suit « La vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réemployables ou réutilisables » ; elle est « proposée en libre-service ou en service assisté dans les points de vente ambulants ou non » ; elle peut aussi être conclue dans le cadre d’un contrat de vente à distance.
Cette modification est loin d’être le point le plus essentiel, c’est surtout l’incitation d’y recourir qu’il faut souligner. A partir du 1er janvier 2030, les commerces de vente au détail dont la surface est supérieure ou égal à 400 m2 devront consacrer au moins 20 % de leur surface de vente à la vente de produits sans emballage primaire.
- Lutte contre les emballages plastiques
La loi « climat » ajoute à l’interdiction des emballages, les emballages constitués de plastique non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage. Cette interdiction ne s’applique qu’à compter du 1er janvier 2025.
- Rendre obligatoire la mise à disposition de pièces de rechange
La loi AGEC avait prévu de rendre obligatoire, dès le 1er janvier 2022, la mise à disposition des pièces détachées d’équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunication. La loi Climat complète les catégories de produits concernées par la mise à disposition obligatoire de pièces de rechange. Cette mesure entre en vigueur à partir du 1er janvier 2023.
On le voit donc la lutte contre le gaspillage et les déchets s’impose comme pilier essentiel à la sauvegarde de l’environnement. Les différentes lois, et la loi Climat n’y faisant pas exception, n’hésitent pas à bouleverser les habitudes des entreprises et consommateurs pour atteindre les objectifs requis.
III. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et droit social
La protection de l’environnement s’invite également dans le droit social notamment dans la formation, les négociations et les consultations.
- Loi Climat et GPEC
Ainsi, dans le cadre de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels imposée aux entreprises d’au moins 300 salariés, il est désormais prévu que ces négociations portent sur la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences notamment pour répondre aux enjeux de la transition écologique.
- Loi Climat et CSE
Le CSE est également concerné par la loi Climat. En effet, elle prévoit qu’il doit prendre en considération pour l’exercice de ces missions les conséquences environnementales des décisions de l’entreprise. De la même manière, lorsqu’il consulte le CSE l’employeur doit aborder les conséquences environnementales de ses décisions.
D’autres changements significatifs peuvent être soulignés notamment concernant la formation des salariés et des nouveaux élus du CSE qui peut désormais concernés les questions environnementales. Enfin changement de terme ! La BDES n’est plus … elle devient la BDESE !
Conclusion:
La loi climat ancre donc l’écologie au cœur de la vie des entreprises et au cœur du droit des affaires. De nombreuses branches sont de près ou de loin concernées et les entreprises sont incitées à devenir des actrices majeures dans la lutte pour la protection de l’environnement. Elles ne sont néanmoins pas les seules, les collectivités étant également fortement invitées à contribuer tout comme le consommateur. En somme, la loi Climat fait de chacun, entreprises, citoyens et collectivités les acteurs de la société de demain. Si certains estiment cette loi insuffisante, il n’en demeure pas moins qu’elle est une étape dans la protection de l’environnement et participe pleinement à une prise de conscience collective.
Sources:
. LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
. Bulletin Rapide de droit des Affaires 18/21 (paru le 15/09/2021)
. Revue Fiduciaire n°3906, Ce que va changer la loi climat pour les entreprises p 5