L’article 13 de la loi de finances pour 2020 est venu compléter la notion française de domicile fiscal concernant les dirigeants de grandes entreprises françaises. L’objectif de cette réforme est d’imposer en France, l’ensemble des revenus (nonobstant leur provenance) des dirigeants de sociétés françaises alors même que ceux-ci résident à l’étranger. Cette réforme s’appliquera à compter de l’imposition des revenus de l’année 2019 et à compter du 1er janvier 2020 s’agissant de l’IFI et des mutations à titre gratuit.
Pour rappel, la territorialité de l’impôt sur le revenu en France est fixée par les articles 4A et 4B du CGI. Le premier prévoit que les résidents fiscaux français “sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus” français et étrangers. Le second définit le résident fiscal français comme la personne : a) ayant son foyer ou son lieu de résidence principal en France ; b) qui exerce en France son activité professionnelle à titre principal ; c) ayant le centre de ses intérêts économiques en France.
L’article 13 de la loi de finances pour 2020 rajoute à l’article 4B du CGI que : « Les dirigeants des entreprises dont le siège est situé en France et qui y réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’euros sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal, à moins qu’ils ne rapportent la preuve contraire. Pour les entreprises qui contrôlent d’autres entreprises dans les conditions définies à l’article L. 233-16 du code de commerce, le chiffre d’affaires s’entend de la somme de leur chiffre d’affaires et de celui des entreprises qu’elles contrôlent ».
Une double condition est imposée par l’article 4B du CGI, à savoir la fixation du siège social en France et un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’euros en France. Une précision est apportée concernant les groupes de sociétés pour lesquelles est pris en compte aussi bien le chiffre d’affaires réalisé par la société située en France que celui réalisé par les sociétés qu’elle contrôle.
Ainsi une fois ces conditions remplies, le dirigeant est présumé exercer son activité professionnelle à titre principal en France. Néanmoins, il ne s’agit que d’une présomption simple pouvant être combattue par la preuve contraire. Il reviendra donc au dirigeant d’apporter la preuve que son activité en France n’est exercée qu’à titre accessoire.
Les dirigeants concernés par cette nouvelle mesure sont le président-directeur général, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président et les membres du directoire, les gérants et les autres dirigeants exerçant des fonctions analogues. Le président du conseil de surveillance ne semble pas être visé par ce mécanisme.
Concernant l’impôt sur le revenu, il y a un fort risque que les personnes considérées par le droit interne français comme domiciliées fiscalement en France, soient considérées comme résidents fiscaux étrangers en vertu du droit interne étranger. Ce conflit de résidence sera tranché par les conventions fiscales qui souvent, élèvent le foyer d’habitation permanent comme critère premier afin de départager les deux États.
Les conventions fiscales primant le droit interne français (article 55 de la Constitution) et la France étant liée par 120 conventions fiscales bilatérales avec d’autres États, il est fort probable que la réforme connaisse une application limitée. Le dirigeant dont le foyer permanent d’habitation serait situé dans l’un de ces États signataires, sera considéré comme non-résident en France.
En revanche, d’autres domaines seront davantage concernés par la réforme. S’agissant de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’administration fiscale (BOI-PAT-IFI-10-20-20) définit la notion de domicile fiscal comme en matière d’impôt sur le revenu, en renvoyant à l’article 4 B du CGI. Ainsi la reconnaissance d’un domicile fiscal en France aura pour conséquence de soumettre l’ensemble du patrimoine immobilier mondial du dirigeant à une imposition en France pendant toute la durée de son mandat sauf convention fiscale contraire. Même en l’absence de convention fiscale portant expressément sur l’IFI, la nouvelle mesure peut être écartée en présence d’une convention fiscale relative à l’impôt sur le revenu qui s’appliquera également à l’IFI.
Le nouveau dispositif produira son plein effet en matière de mutations à titre gratuit où le nombre de conventions fiscales est bien plus faible. Si le dirigeant décède ou effectue une donation en France, l’ensemble de ses actifs mondiaux seront soumis aux droits de mutation à titre gratuit français sauf convention fiscale contraire. Il en est de même si le dirigeant est bénéficiaire d’une telle transmission.
En définitive, quand bien même cette réforme aurait un impact mesuré sur l’impôt sur le revenu, son objectif initial risque d’être rempli au regard des conséquences importantes en matière de mutations à titre gratuit.