A l’ère du développement de l’intelligence artificielle, se pose la question de son utilisation au service du droit. En effet, cette croisée des savoirs, bien qu’engendrant une modernisation du monde juridique peut également être perçue comme une “gadgétisation”. Qu’en est-il réellement?
D’après la Charte éthique européenne d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires, cette dernière peut se définir comme un “ensemble de sciences, théories et techniques dont le but est de reproduire par une machine des capacités cognitives d’un être humain”. Bien qu’encadrée à cause des inconvénients et dangers potentiels qu’elle engendre, l’intelligence artificielle offre d’indéniables avantages.
L’IA représente effectivement un véritable outil au service de l’avocat, lui faisant économiser du temps et lui permettant ainsi de se concentrer sur les enjeux essentiels de son activité. En effet, les logiciels permettent un accès immédiat à certaines données pertinentes (là où les recherches prendraient des heures sans aide technologique). Ces algorithmes juridiques de “justice prédictive”, lorsqu’ils sont suffisamment sophistiqués, envisagent surtout la décision que les juges sont susceptibles de prendre concernant un cas donné à l’aune des jugements rendus précédemment dans des situations analogues. Il ne s’agit pas seulement d’obtenir des informations préexistantes plus rapidement qu’au temps du papier : des évaluations contingentes sont croisées à des informations extrêmement pertinentes afin de conseiller le plus efficacement possible le justiciable.
Toutefois, le caractère bénéfique de cette avancée technologique doit être nuancé. En effet, si les avantages sont indéniables, l’utilisation de l’IA peut être source de difficultés. Le coût de tels logiciels se révèle important et est susceptible de constituer un frein au recours à l’IA. De plus, la fiabilité des logiciels n’est pas toujours garantie, rendant ainsi nécessaire une certaine vigilance. Plus largement, le développement de l’accès aux ressources juridiques, grâce au numérique, se traduit par une plus grande accessibilité de celles-ci à des personnes extérieures aux professions juridiques, et génère une concurrence accrue. Cette évolution est évidemment bénéfique, à condition qu’une bonne compréhension des diverses problématiques soit possible.
Alors que la technologie ne cesse de progresser, la question du lien entre l’IA et le droit devient centrale. La crainte de l’apparition d’une justice automatisée, déshumanisée, est régulièrement exprimée. Outre ces éléments, les interrogations liées à l’IA concernent également son utilisation par les avocats. Le 22 novembre 2018, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a admis que les honoraires d’un avocat étaient trop importants, estimant que si ce dernier avait eu recours à l’IA, le temps de préparation nécessaire aurait été nettement inférieur. Perçue dans un premier temps comme un outil au service de l’avocat, l’IA deviendrait ainsi un élément indispensable de l’exercice de cette profession. Le recours à ces logiciels ne résulterait donc pas d’un choix mais serait véritablement contraint.
Enfin, les algorithmes répondent à une logique mathématique implacable. Qu’en est-il de la justice? Les décisions que rendent les juges se doivent parfois de pouvoir rester animées par une part de symbolique. Dès lors, l’avocat-humain ne saurait s’effacer au profit de l’avocat-robot.Un avocat compétent est en effet capable, notamment de par sa formation, son ingéniosité ainsi que son expérience, de capter des subtilités qu’une machine ne peut saisir.
L’intelligence artificielle est donc à la fois une opportunité pouvant engendrer une modernisation de la justice, et un danger pouvant provoquer un affaiblissement du rôle de l’avocat. Cela dépendra du niveau de fiabilité et de pertinence qu’elle atteindra ainsi que de l’accueil que lui réservera le monde juridique…