Alors que le milieu culturel a particulièrement souffert de l’épidémie de Covid-19, le Président de la République a annoncé, lundi 8 novembre dernier, l’allocation de trente millions d’euros au bénéfice de deux-cent-soixante-quatre projets artistiques. Cette commande publique vise à soutenir le secteur artistique, d’ordinaire très dynamique au sein de l’Hexagone puisqu’en 2019, les salles de ventes françaises enregistraient la vente de cinq cent cinquante mille lots aux enchères soit la plus grande circulation d’œuvres jamais enregistrée selon un rapport d’Artprice, « leader mondial de l’information sur le marché de l’art ». Toutefois, le législateur encourage aussi l’initiative privée au profit des artistes vivants en prévoyant des mécanismes fiscalement avantageux.
L’article 238 bis AB du Code Général des Impôts (CGI) dispose en son premier alinéa : « Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2002 et avant le 31 décembre 2022, des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition ». Le champ d’application de ce dispositif est étendu mais n’est pas infini puisque l’administration fiscale précise que ce régime concerne tant les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, que celles relevant du régime fiscal des sociétés de personnes. Les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (notamment les professions libérales) sont exclues de ce dispositif puisqu’elles n’ont pas la capacité de créer un tel compte de réserve spéciale au passif de leur bilan comptable.
Par ailleurs, si la tendance est aujourd’hui à l’émergence de nouvelles formes d’art – par exemple via une intelligence artificielle capable de devenir la réplique d’un artiste vivant et de produire plusieurs milliers de scénarios en quelques jours – le législateur ne fait pas preuve d’autant d’éclectisme. En effet, l’article 98 A, II, du CGI énumère de façon limitative une liste de créations qu’il considère comme « œuvres d’art ». Parmi celles-ci : les tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste. Ainsi, tout ce qui n’est pas entièrement exécuté de la main de l’artiste, tels que les œuvres obtenues par des procédés mécaniques, les dessins et croquis exécutés à des fins industrielles ou les articles seulement ornés à la main sont exclus du dispositif. Ainsi, le croquis de souliers de mode ne pourrait pas profiter d’un tel régime selon l’administration fiscale. Bénéficient également de ce régime : les gravures, estampes et lithographies originales (à l’exclusion de celles réalisées par tout procédé mécanique), les productions originales de l’art statuaire et de la sculpture (à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie), les tapisseries et textiles muraux faits à la main, les exemplaires uniques de céramique, les émaux sur cuivre et enfin les photographies d’art. Dans tous les cas, l’entreprise devra en plus prouver que l’artiste était vivant au moment de l’acquisition au moment de l’achat de l’œuvre.
Ensuite, l’œuvre devra nécessairement être exposée au public par l’entreprise pour la période de l’exercice d’acquisition et les quatre années suivantes, que ce soit dans ses locaux, par son dépôt dans un musée ou dans les locaux d’une collectivité territoriale ou de l’un de ses établissements publics.
La déduction s’opèrera ainsi sur cinq années par fractions égales d’un cinquième, dans la limite de vingt mille euros ou de cinq pour mille du chiffre d’affaires de l’entreprise si ce montant est le plus élevé. Celle-ci est également ouverte aux entreprises qui achètent des instruments de musique et s’engagent à les prêter à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.
Désormais, le Comité professionnel des galeries d’art plaide pour que ce dispositif soit étendu aux professions libérales qui, d’après lui, représentent le tiers des collectionneurs français. Il faudra cependant attendre de voir si la prochaine loi de finances prolonge le système au-delà du 31 décembre 2022. Il y a cependant fort à parier que Bercy se montre philanthrope au regard du plan de commandes artistiques lancé par le Président de la République au printemps dernier.
Sources :
. BEAUVALLET, Eve, «dSimon» : au théâtre, l’intelligence artificielle à portée d’humains », Libération, 22 novembre 2021 ;
. CHENU, Isabelle, « France: une commande artistique exceptionnelle de 30 millions d’euros », RFI, 9 novembre 2021 ;
. M.R., « Achat d’oeuvres d’artistes vivants : les mécènes encouragés » , Les Echos, 22 novembre 2021, n°23584 ;
. « Record d’œuvres vendues en 2019 sur le marché de l’art en France », Ouest France, 20 février 2020 ;
. https://fr.artprice.com
. Code général des impôts :
➢ Article 98 A
➢ Article 238 bis
➢ Article 238 bis AB
. BOI-TVA-SECT-90-10.