La loi PACTE du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a ajouté un alinéa à l’article 1835 du code civil pour indiquer que « les statuts peuvent prévoir une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquelles elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Parallèlement, le législateur a modifié les articles L. 225-35 et L. 225-64 du code de commerce afin de permettre aux conseils d’administration et aux directoires des Sociétés anonymes de prendre en compte cette nouvelle notion dans leur processus de décision.
Ainsi, en introduisant ce nouveau concept au sein du droit commun des sociétés, le législateur offre la possibilité à toute société de s’en doter. Toutefois, contrairement aux autres mentions statutaires impératives énoncées par l’article, la raison d’être est facultative.
Concrètement, inscrire une raison d’être dans ses statuts revient à rendre publique l’ambition de la société de contribuer aux enjeux sociétaux, sociaux, environnementaux et économiques relatifs à son domaine d’activité. Dès lors, la recherche du profit n’est plus l’unique dessein de la société. Celle-ci affirme des valeurs qu’elle entend promouvoir à long terme et qui vont servir de lignes directrices au management de l’entreprise.
Apparaissant comme “indispensable pour réaliser l’objet social”, le rapport Notat/Senard a considéré opportun de donner à cette pratique déjà existante une portée législative, mais la raison d’être constitue-t-elle vraiment un atout pour les entreprises ?
Dans la plupart des cas, la raison d’être sera statutaire. La lourde procédure de modification des statuts devra donc être engagée tant pour son intégration initiale que pour ses éventuelles modifications ultérieures.
Le choix d’opter pour une raison d’être présente assurément de multiples avantages. Tout d’abord, cela constitue un outil marketing fort pour l’entreprise souhaitant améliorer son image. Par ailleurs, elle offre une arme stratégique anti-OPA aux sociétés cotées permettant aux dirigeants d’opposer des « principes existentiels » aux potentiels offreurs publics. Enfin, adopter une raison d’être est l’une des conditions requises pour devenir une société à mission.
En revanche, le législateur est resté silencieux quant aux modalités de rédaction de la clause de raison d’être. Une entreprise semble pouvoir en établir une détaillée et exhaustive, ou au contraire, en retenir une relativement large en employant volontairement des termes vagues. Selon les sociétés, elle pourra consister en une devise ou un niveau d’exigence à relever. Dès lors, il est fortement recommandé aux sociétés de se faire conseiller dans la rédaction d’une telle clause. En effet, même si les conséquences d’un non-respect de la raison d’être par l’entreprise ou le dirigeant n’ont pas été explicitement énoncées par la loi, l’existence de sanctions administratives et, surtout, médiatiques sont certaines. La grande liberté offerte aux entreprises peut alors devenir un inconvénient pour ces dernières.
La notion de raison d’être fait écho à celle de conscience sociale et environnementale également introduite par la loi PACTE. La négligence de cette dernière par la société peut mettre en jeu la responsabilité de ses dirigeants. Ces deux nouveautés s’inscrivent dans un mouvement général de volonté de responsabiliser les sociétés pour leurs comportements extra-financiers. Dès lors, est-il possible d’envisager, par analogie, qu’en cas de non-respect par l’entreprise de sa raison d’être, les dirigeants puissent voir leur responsabilité engagée ?
Affaire à suivre…