Après une décennie entière de liberté et l’explosion de nouvelles plateformes telles que Airbnb, la location saisonnière est dans le viseur des pouvoirs publics, notamment parisiens.
La loi ELAN (loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique)[1] est venue clarifier l’article L. 324-1-1 du Code du Tourisme en définissant un meublé de tourisme loué en location saisonnière. Selon cet article, il s’agit « des villas, appartements ou studios meublés à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Le principe de départ est que toute personne est libre de louer sa résidence principale à une clientèle de passage pour de la location de courte durée, dans une limite de 120 jours par an, ce qui équivaut à 4 mois par an ou encore 10 jours par mois.
Cependant, dans les communes où la population dépasse les 200 000 habitants, deux limites s’imposent à la location saisonnière : celle-ci ne doit pas durer plus de 120 jours par an et une autorisation (ou déclaration) de la commune du lieu où est situé l’immeuble loué est requise.
La distinction entre résidence principale et secondaire emporte différentes obligations déclaratives. La résidence principale est le logement occupé au moins 8 mois de l’année[1]. Par déduction, la résidence secondaire est donc celle qui ne peut être occupée que 4 mois dans l’année (soit 120 jours par an). S’agissant des résidences secondaires, une déclaration à la mairie est obligatoire quelque soit le nombre d’habitants de la commune. De plus, une autorisation de la mairie est nécessaire en cas de changement d’usage des locaux destinés à l’habitation dans les communes de plus de 200 000 habitants.
La loi ELAN permet à la commune dans laquelle est situé le meublé de saisir le Président du Tribunal de Grande Instance en référé dans le but d’obtenir le versement d’une amende à son profit ; lorsque les obligations déclaratives n’ont pas été respectées. La particularité supplémentaire est que l’article 145 de la loi ELAN[2] permet à la commune victime d’abus de la part de propriétaires de s’attaquer directement aux plateformes, telle que Airbnb. Cette mesure impose donc à ces dernières, d’obtenir préalablement à la mise en ligne de l’annonce, une déclaration sur l’honneur du loueur attestant du respect des obligations déclaratives. En sus, chaque annonce doit contenir ledit numéro de déclaration. Dans le cas où la plateforme a manqué à cette obligation, elle sera sanctionnée à concurrence de 12 500 euros par annonce incomplète. C’est ainsi et sur ce fondement que la ville de Paris, représentée par sa Maire Anne Hidalgo, a assigné le 8 février 2019 devant le tribunal de grande instance[3] la plateforme Airbnb en réclamant la somme de 12.625 millions d’euros. En effet, il est relevé que plus de 1 000 annonces d’hébergements dans Paris ne disposent pas sur l’annonce du numéro d’enregistrement que doit délivrer la municipalité.
Cependant, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2018[1], les demandes d’amendes à l’encontre des propriétaires non en règle sont suspendues. Les juges ont prononcé un sursis à statuer en attendant que la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur la conformité de la Directive « Services » avec les dispositions du Code de la construction et de
l’habitation. Les dispositions de ce Code requièrent une autorisation préalable de la municipalité, conformément à la loi ELAN, pour le changement d’usage de locaux situés dans des communes de plus de 200 000 habitants de départements d’Ile de France. En conséquence, 2019 apparaît comme une « année blanche » durant laquelle les dispositions de l’article L. 324-1-1 seront suspendues.
En attendant que la Cour de justice de l’Union européenne se prononce, un grand nombre de propriétaires adresse à celle-ci des lettres ouvertes qualifiant les dispositions françaises de liberticides et d’atteintes au droit communautaire et en particulier à la libre circulation des services. Les plateformes, telle que Airbnb, se sont également réunies au sein de l’European Holiday Association afin de mener un lobbying important à Bruxelles contre cette réglementation française.
Il ne reste donc plus qu’à attendre la décision de la Cour de justice de l’Union européenne…