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Le référé secret des affaires : un réel outil de protection ?

Le nouvel article R. 557-3 du code de Justice administrative introduit par le décret du 30 décembre 2019 (décret 2019-1502) portant application de la loi du 23 mars 2019 (loi 2019-222) a mis en place un nouveau type de référé : le référé secret des affaires. Cette procédure permet de prévenir une atteinte imminente ou de faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires.

L’année dernière le législateur est intervenu aux fins de définir la notion de secret d’affaires. Cette réforme, issue de la directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016, avait notamment introduit l’article L 151-1 au code de commerce

Trois critères cumulatifs définissent ainsi le secret des affaires : l’information doit être secrète, avoir une valeur commerciale effective ou potentielle et être protégée raisonnablement par son détenteur légitime.

Le caractère secret est vérifié lorsque l’information n’est pas, en elle-même ou dans la configuration ou l’assemblage exact de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité. Par ailleurs, a une valeur commerciale, toute information relevant du potentiel scientifique ou technique d’une entreprise, de ses intérêts économiques ou financiers, de ses positions stratégiques ou de sa capacité concurrentielle. Enfin cette information est détenue de manière légitime lorsque son détenteur en a le contrôle de façon licite

Les modes d’obtention licites et illicites de secrets des affaires sont expressément prévus par la loi. Ainsi, est détenteur légitime de l’information toute personne qui détient ladite information suite à une découverte ou une création indépendante ou à l’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en sa possession, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l’obtention du secret (article L 151-3 du code de commerce). À l’inverse n’est pas un détenteur légitime, celui qui a obtenu l’information sans le consentement du détenteur légitime au moyen d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret ou pouvant en être déduit, ou bien d’une appropriation d’une copie non autorisée de ces éléments  ou bien de tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale (article L.151-4 du code de commerce). La divulgation est également illicite lorsqu’elle résulte d’une violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation (article L 151-5 du code de commerce). 

La définition assez large des modes d’obtention illicites nous semble opportune afin de bénéficier de la protection de cet article dans le plus grand nombre possible de circonstances. Une certaine marge d’appréciation est donc laissée au juge des référés.

En vertu de ce nouvel article R. 557-3 du code de justice administrative et en cas d’atteinte imminente et illicite à un secret des affaires tel que défini ci-dessus, le détenteur légitime de l’information pourra demander au juge des référés de prendre toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée et notamment celles prévues par l’article R.152-1 du code de commerce. Véritable socle procédural du nouveau référé secret des affaires, il détaille précisément les mesures qui peuvent être prises par le juge des référés. Ainsi ce dernier pourra :

“1° Interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires ;

2° Interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits soupçonnés de résulter d’une atteinte significative à un secret des affaires, ou d’importation, d’exportation ou de stockage de tels produits à ces fins ;

3° Ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers de tels produits, y compris de produits importés, de façon à empêcher leur entrée ou leur circulation sur le marché.”

La procédure prévoit également un mécanisme de garantie particulier visant à assurer alternativement l’indemnisation du détenteur du secret ou du défendeur à l’action en référé. Ainsi le juge peut autoriser la poursuite de l’atteinte en la subordonnant à la constitution par le défendeur d’une garantie visant à indemniser le détenteur légitime. Il peut aussi, s’il décide de la mise en place des mesures conservatoires, exiger du demandeur qu’il constitue une garantie aux fins d’indemniser le défendeur dans le cas où l’action en protection serait jugée non fondée ou s’il était mis fin à ces mesures. 

Le secret des affaires est donc de plus en plus pris en compte par les juridictions françaises, tant judiciaires qu’administratives. Aussi louables soient-elles, ces initiatives ont tout de même leurs limites. En effet si cette procédure de référé permet d’agir en cas d’atteinte illicite imminente ou en cours, elle ne permet pas d’agir dans les cas où cette atteinte illicite ne serait qu’hypothétique. Agir en amont de la divulgation du secret apparaît pourtant primordial afin de permettre à l’entreprise de garder le contrôle sur une information qui a une grande valeur économique à ses yeux. En effet une fois l’information divulguée aucune réparation ne semble être totalement satisfaisante. Aussi l’entreprise ne pourra prétendre qu’à la cessation de l’atteinte illicite et des dommages et intérêts pour le préjudice subi. 

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